Ah je voudrais encore vous dire
Les soirs où j’écrivais des poésies
Et les cachais au matin sous l’évier
Du palier derrière les tuyaux
Et comment bien plus tard
Je m’en suis souvenu
Grimpant les étages quatre à quatre
Pour les retrouver
En vain
Des poésies sur les animaux surtout
Car j’étais fou de La Fontaine
Un manant me les a volé pour sûr
Pour boire un verre en frimant
Des poésies qui ne valaient pas
Un pet de nonne certes
Maman Antonine aimait bien
Que je sois préposé à la poésie
Une espèce de toupet
Ah je voudrais que tout cela finisse
Et les images m’incendient de partout
L’odeur des tartines grillées
Le café au lait
Les bisous
L’enfance qui me prend par la main
Pour ne pas m’oublier sur un banc public
Heureux encore d’être aimé
Les cimetières aux herbes folles
Les photographies du temps passé
Tout cela doit suffire
A rendre pacifique l’humanité
Ah je voudrais encore vous dire
Les dimanches à Villejuif
Chez tante Lulu et l’oncle René
Les parties de billes à la tique au pot
Le clafoutis aux cerises
Le car cahotant sur les pavés
Jusqu’à la porte d’Italie
Les dimanches à la campagne
Alors que les terrains du périphérique
Servaient de champs de manœuvre
Pour nos exploits de cow-boys
Et que les chevriers y venaient vendre
Du lait et des fromages
Ah je voudrais vous dire encore
La Butte-aux-Cailles et ce maçon
Exilé de la Guerre d’Espagne
Qui la construisit de ses mains
Lui donna peut-être son allure andalouse
Il avait bâti sa propre maison sur un îlot
Ruelle Gandon et planté de la vigne
Tout cela est parti aux oubliettes du monde
Je vis sur des squelettes à présent
Sur des ruines
Et cela me donne envie de vivre
Un présent doux
Loin d’ici
Mais je n’ai pas fini de dire
Je n’en finirai jamais
Je ne suis que ce qu’ils furent
M’ont donné m’ont appris
La couleur de l’humanité
Des gens simples et modestes
Le cœur de l’humanité nue
Aux mains calleuses
L’effort en bandoulière
La tendresse à la bouche
11 octobre 2016 – copyright patrick pérez sécheret.