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journal des écritures

critiques d'art et littérature, humanisme et résistance, poésie, chansons

Rue de l’Industrie (3) L’Aubade

Publié le 11 Octobre 2016 par ruraledeprose

Rue de l’Industrie (3) L’Aubade

Ah je voudrais encore vous dire

Les soirs où j’écrivais des poésies

Et les cachais au matin sous l’évier

Du palier derrière les tuyaux

Et comment bien plus tard

Je m’en suis souvenu

Grimpant les étages quatre à quatre

Pour les retrouver

En vain

Des poésies sur les animaux surtout

Car j’étais fou de La Fontaine

Un manant me les a volé pour sûr

Pour boire un verre en frimant

Des poésies qui ne valaient pas

Un pet de nonne certes

Maman Antonine aimait bien

Que je sois préposé à la poésie

Une espèce de toupet

Ah je voudrais que tout cela finisse

Et les images m’incendient de partout

L’odeur des tartines grillées

Le café au lait

Les bisous

L’enfance qui me prend par la main

Pour ne pas m’oublier sur un banc public

Heureux encore d’être aimé

Les cimetières aux herbes folles

Les photographies du temps passé

Tout cela doit suffire

A rendre pacifique l’humanité

Ah je voudrais encore vous dire

Les dimanches à Villejuif

Chez tante Lulu et l’oncle René

Les parties de billes à la tique au pot

Le clafoutis aux cerises

Le car cahotant sur les pavés

Jusqu’à la porte d’Italie

Les dimanches à la campagne

Alors que les terrains du périphérique

Servaient de champs de manœuvre

Pour nos exploits de cow-boys

Et que les chevriers y venaient vendre

Du lait et des fromages

Ah je voudrais vous dire encore

La Butte-aux-Cailles et ce maçon

Exilé de la Guerre d’Espagne

Qui la construisit de ses mains

Lui donna peut-être son allure andalouse

Il avait bâti sa propre maison sur un îlot

Ruelle Gandon et planté de la vigne

Tout cela est parti aux oubliettes du monde

Je vis sur des squelettes à présent

Sur des ruines

Et cela me donne envie de vivre

Un présent doux

Loin d’ici

Mais je n’ai pas fini de dire

Je n’en finirai jamais

Je ne suis que ce qu’ils furent

M’ont donné m’ont appris

La couleur de l’humanité

Des gens simples et modestes

Le cœur de l’humanité nue

Aux mains calleuses

L’effort en bandoulière

La tendresse à la bouche

11 octobre 2016 – copyright patrick pérez sécheret.

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