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journal des écritures

critiques d'art et littérature, humanisme et résistance, poésie, chansons

à voeux l'eau

Publié le 11 Janvier 2010 par ruraledeprose

Je me dis, il va s’éveiller, être utile, allonger le pas sous les tilleuls, grignoter un morceau de pain frais, sourire à son visâge dans la glace, échanger deux à trois mots avec l’autre lui-même d’hier. Je me dis, les yeux larges ouverts, que la nuit se dissipe un peu même si le jour n’est pas encore tout à fait un jour, que les arbres retrouveront des feuilles pour cacher leurs moignons noirs, qu’après la pluie. Je me dis, il voudrait bien qu’on l’aime, que l’on pense encore à lui deux trois fois, cette impression de vivre dans un ancien rêve, une moiteur, un silence d’obus. Je me dis qu’il va s’éveiller et l’approche du soir nouveau le tétanise dès l’aube. Je me dis, cela lui passera car tout passe, tout lasse et reverdit. Je me dis, il n’est pas mal heureux mais a-t-il été heureux, sans doute,  dans des gestes d’autres, les rires des mômes, les bisous, les promenades en forêt avec le chien. L’amour a du lui être absent trop tôt mais, l’avait-il même rencontré dans cette femme qui massacra sa vie, d’un amour sans retour, qui sait saura. Je me dis qu’il écrivait trop, trop beau pour être du vrai, sa part d’illusion et de mots sur les maux du coeur sans doute. Je me dis, il a cru que, force d’aimer, on l’aimerait, il a brûlé ses ailes de martinet, consumé sa vie en faire semblant d’être heureux. Sa vie n’est pas ratée pour autant, je me dis, elle est dans l’insigne douleur d’avoir aimé en vain. Je me dis, pour hâter le seuil de l’an neuf dix du nouveau millénaire, qu’il peut marcher à présent libre quelque part, cet homme, face à la mer, des étoiles plein les mains, du soleil plein les yeux. Et si ce n’est pas sûr, c’est quand même peut être, comme chanterait Grand-Jacques. Je me dis, un soupçon d’espoir est déjà une pépite de velours sur un coeur qui, de battre, s’en croit pour personne ou pour rien, qu’une quelqu’une attend sur un quai, un perron, une balançoire, je ne sais, l’attend. Je lui dis : le deséspoir est toujours trop vieux, l’amertume vanité, le regret désuet, l’orgueil arrogant, la contrition indécente, la pitié salope. Bonne année frère, je me dis, sans pitié à lui-même parmi les vagues de l’humanité qui nous portent. Et notre solitude prend l’eau de toute part qu’il en ferait presque beau de la mer au ciel, en sorte d’immense écharpe d’un bleu bleu, indicible.

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