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journal des écritures

critiques d'art et littérature, humanisme et résistance, poésie, chansons

Après l'indignation, le soulèvement ?

Publié le 14 Novembre 2016 par ruraledeprose

Lettre à vau-vent (1)

Ne plus écrire serait la pire défection face au monde d’aujourd’hui, se taire de paroles une ignominie faite au genre humain en perdition même si celui-ci y participe par peur, faiblesse et renoncement, par manipulation mentale. Perdre un moment, un seul moment du récit vécu personnel narratif, et s’en remettre au sacro-saint récit collectif des idéologies, est admettre le malheur comme inévitable avec le souhait d’en tirer sa petite part personnelle de bonheur en marchant sur autrui, en l’ignorant, en se confortant au jour le jour d’une information formalisée, formatée, apportant du neuf sans origine, sans cause, juste une information d’instant à façon de catastrophe ou d’inévitable.

Alors j’écris, j’essaie d’aider d’autres à le faire, à ne pas renoncer à la prise de parole, au récit en lieu et place d’un galimatias du présent, de l’actualité triée, choisie, montée en boucle, où le monde est donné, présenté, commenté comme une fatalité, une machine lancée sans responsables de sa trajectoire, sans possibilité d’en maîtriser le parcours, d’éviter les obstacles posés à la survie de l’humanité, les guerres, les déchirements tribaux et religieux, la prospérité des grandes sociétés multinationales qui s’accommodent sans fard aucun des pires atrocités commises contre l’homme sans parler de la destruction de la nature.

L’immédiateté envahit tout, toutes les vies, le présent est une course folle contre la montre et même les grandes émotions s’effacent d’un jour à l’autre, après coup, les sensibilités, les sentiments durables s’enduisent de négatif, de négation, la proximité du malheur devient le référent à l’instar du recul nécessaire, de l’analyse concrète et objective des causes des conséquences de nos réalités.

Plus de cause, plus de peuple, juste des foules agrégées de circonstance par la peur et l’insécurité qui, sans leader charismatique à suivre aveuglément, se raccrochent aux grand-messes pour transcender la mort d’autrui dans des attentats, se sentir encore un peu du monde vivant, et faire d’une émotion participative et mise en scène médiatiquement, un semblant d’humanité et de citoyenneté dans cette mémoire d’actualité de proximité.

Alors que, tous les jours, toutes les heures, les minutes des hommes, des femmes et des enfants, sont assassinés partout dans le monde, que nous fabriquons les armes et les vendons à ceux qui assassinent, que nos grandes sociétés continuent leur activité lucrative en s’acoquinant le temps qu’il faudra avec les bourreaux, comme en Syrie les ciments Lafargue ou Total ailleurs, comme hier Bosch ou Krupp avec les nazis.

Comment voulez-vous que devant ce monde failli je puisse me taire et me faire complice des crimes en cours et de ceux qui s’annoncent ? Les peuples assommés de démagogie, de l’incompétence de leurs dirigeants qui, une fois élus se rangent derrière les intérêts de la finance mondialisée, des actionnaires des multinationales, les peuples se désespèrent de la démocratie bafouée, de leur avenir sans perspective.

Les portes sont ouvertes à l’aventure, à la tentative d’essayer le pire après avoir tout essayé pour un meilleur qui n’a fait qu’aggraver les conditions sociales de vie des peuples. Partout montent l’idée qu’il faudrait tenter à présent le diable parce que le bon dieu est aux abonnés absents.

La révolution technologique est en marche et raréfie le travail posté, modifie tous les rapports au travail et pose la question cruciale d’un droit à vivre et donc à une rémunération quelle que soit la situation des individus. Et cela pose le problème d’une répartition des richesses pour permettre ce droit de vivre et quel qu’en soit le montant, d’une acceptation massive de la population.

Pour l’instant, toutes les grilles de lecture, tous les arsenaux se mettent en place pour classifier ceux qui se rebellent, qui refusent de marcher dans les clous d’une société standardisée. Ce n’est pas le simple reflet d’une querelle d’écoles entre sociologues et psychanalystes, les uns attirant l’attention sur l’impact sociétal sur l’individu et les autres sur la part d’inconscient qui nous échappera toujours. Mais, les uns et les autres soulignent la gravité de ce que nous sommes en train de subir, ce grand décervelage qui nous classe entre bons citoyens suivant les grilles d’analyse, les critères marchands en fait et de libre échange, et les mauvais qui relèvent de la médication, du soin pour devenir conformes ou aliénés…

Tout est prêt : lois, mesures d’état d’urgence et d’exception permanentes, information formatée généralisée, rognage systématique de tout acquis social (en dernière date la confiscation de l’épargne personnelle et le gel des  taux), fichage biométrique de toute la population française ! Nos libertés fondamentales partent en quenouille.

En réalité, ceux qui crient au danger Le Pen, forgent l’instrument d’une forme de gouvernance fasciste moderne qui n’a même pas besoin de ce recours, si recours était, car tout est mis en place pour dompter le peuple et le réduire à une nouvelle forme d’esclavage consentie où son rôle serait de permettre à une caste élitaire, proclamée par elle-même sur les ruines de la démocratie, de jouir d’une vie de nantis et de profiteurs dans une technocratie autoritaire et guerrière.

Il fut le temps de s’indigner, viendra donc celui du soulèvement nécessaire.

 

A  voir l’exposition « Soulèvements » de Didi Huberman, au musée du Jeu de Paume (symbolique lieu) : elle rafraîchit la mémoire en reliant au présent, par un récit photographique narratif, une histoire qui nous est commune : celle de l’émancipation humaine et de la liberté.

 

 

 

 

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